Le Royaume est un régal de lecture comme la plupart des romans de cet auteur que j’aime beaucoup. Le sujet pourrait paraître difficile, peut attractif et pourtant… Emmanuel Carrère réussit à parler des écritures des évangiles, de la naissance du Christianisme comme d’une intrigue quasiment policière, nous faisant partager son enquête, ses questions de croyant puis de non-croyant. Ce livre est à lire et relire particulièrement aujourd’hui où l’on comprend que les religions, leurs rites, les textes fondateurs doivent être replacés dans leur contexte historique au risque de scléroser une spiritualité qui, par essence, doit s’adapter aux hommes d’aujourd’hui et à leurs conditions de vie. Je n’en dirai pas plus. D’après une petite enquête que j’ai menée, croyants et athées apprécient ce livre sans que leur « foi » ne soit ébranlée. C’est un gros pavé que j’ai lu comme un roman!
A lire en dégustant un bon verre de vin ou une tisane au ginseng.
Si vous aimez les polars qui vous emmènent loin, vous serez servis avec ces deux livres d’un auteur français encore jeune (né en 1967). Le cadre est celui de la Nouvelle Zélande, les héros sont entre autres les Maoris, peuple décimé et exploité comme les aborigènes d’Australie. De beaux personnages de flics blessés, désespérés mais encore humains et si touchants. L’action est rude, les meurtres bien sanglants, les intrigues très bien menées. C’est presque revigorant même si les histoires sont terribles car le narrateur, qui n’est pas loin, écrit pour défendre ces peuples à qui les colons ont tout confisqué et à qui ils ne restent plus que la violence pour se faire entendre.
Une bière bien fraîche comme on en boit en Nouvelle Zélande!
Lisez ce petit roman! Un délice! Rien que la première scène du défilé de mode…Imaginez un modèle présentant une robe…de miel! Et qui défile entourée d’un essaim d’abeilles…
Marie est toujours l’héroïne de ce roman, le narrateur toujours près d’elle sans oser trop s’approcher. De quoi ça parle finalement? De l’impossibilité de dire son amour, de le montrer, de l’impossibilité de se passer de l’autre même si l’autre ne veut plus de vous, de l’incapacité à entendre l’autre, à l’écouter… Mais Marie est l’anagramme du verbe aimer et ce roman, très court, en est la preuve.
Il faut boire quelque chose de doux en lisant ce roman, peut-être une tisane avec du miel et un petit gâteau?
Pourquoi ce roman n’a-t-il pas eu un prix? pourquoi n’a-t-il eu aucune voix des Goncourt? Et pourtant quel roman!!! « Des Hommes « et pas « les hommes »…il s’agit de quelques – uns de ceux qui ont « fait » la guerre d’Algérie, qui sont partis sans savoir ce qui les attendait, qui en sont revenus incapables d’en parler, d’y penser même, quasiment sidérés dans le sens premier du terme. Le roman tourne autour d’un de ces hommes revenu au village de son enfance, devenu une sorte de marginal, plus ou moins toléré par la communauté parce qu’il ne vit pas comme eux, parce qu’il ne peut oublier. Toute la force de ce livre réside dans l’écriture. Le narrateur, qui d’ailleurs laisse parfois la parole à d’autres, fait partie des ces anciens d’Algérie, on comprend que c’est un ami de ce personnage surnommé « Feu-de-Bois ». Il l’observe, il le suit, il est tiraillé entre l’empathie pour cet homme blessé par une histoire familiale non résolue et par une histoire personnelle commencée en Algérie et tristement terminée à Paris et la solidarité avec les villageois qui secrètement voudraient que ce « Feu-de-Bois » disparaisse. Qu’il disparaisse parce que sa vue leur donne mauvaise conscience. Et les souvenirs de cette guerre sans nom reviennent hanter le narrateur pendant que le village tente de se coaliser pour faire enfermer cet homme qui au début du récit veut juste faire plaisir à sa soeur. Petit à petit, grâce par exemple à une série de phrases courtes commençant par « et », le narrateur nous donne à voir son personnage: » Et puis il a avancé. Et puis il a appelé Solange. Et puis en avançant vers elle il a appelé Solange de plus en plus fort. » Ces trois phrases sont un condensé du style particulier de Laurent Mauvignier: la répétition de « et puis », la reprise de » a avancé » et « a appelé » dans la troisième phrase, l’ajout de « de plus en plus fort » font voir une scène inquiétante, le personnage semble menaçant. Une page plus loin, le narrateur évoque « un cri » et il faut encore de nombreuses phrases, longues celles-ci, pour que l’on comprenne que ce cri est simplement celui d’une femme qui n’est pas Solange, surprise de « voir soudain devant elle » en se retournant « cet homme si inattendu ici, devant elle, si redoutable ». Ce « cri » pourrait laisser penser que le personnage qui le provoque est dangereux et pourtant la boîte qu’il tient à la main est un cadeau pour sa soeur Solange…
L’histoire commence ainsi par le désir d’un homme de faire un cadeau à sa soeur devant des témoins qui n’acceptent pas un tel geste parce qu’il s’est mis en marge de leur société, parce qu’ils le considèrent comme un assisté. Et c’est cette incompréhension, ce rejet qui est le fil rouge du roman. Petit à petit, par des notations de plus en plus précises( comme si le narrateur tournait autour de l’essentiel jusqu’à ce qu’il arrive à dire les sentiments, les pensées, les hésitations ), par des retours en arrière, des narrations prises en charge par des témoins différents de la même scène, l’auteur nous raconte cette tragédie d’un homme incompris qui ne veut pas et ne peut pas oublier et qui donne mauvaise conscience aux autres, et particulièrement au narrateur. « Feu-de-Bois » est vu par les autres comme un fou, un homme violent qui doit être enfermé pour protéger le village, alors que tout ce qu’il fait est très peu par rapport à la manière dont c’est rapporté et commenté par les protagonistes.
Un roman dont le sujet est peut-être l’incommunicabilité, le silence, l’impossibilité d’écouter l’autre et soi-même.
Que boire en lisant ce roman? Un bon café ou un chocolat chaud pour se réchauffer…
C’est une sorte de roman d’apprentissage, d’apprentissage de l’écriture. le narrateur quitte Brest pour Paris et finit par revenir à Brest, son manuscrit sous le bras, pour régler ses comptes. » Tout le monde devrait faire le point sur son histoire familial, ai-je pensé, pariculièrement un 20 décembre, c’est-à-dire un jour où il est important d’être soutenu dans l’épreuve d’y aller, tandis qu’au fond d’eux-mêmes, comme tout le monde ils rêvent d’écrire un roman sur leur propre famille, un roman qui en finit avec ça, les veilles de Noël et les parenthèses mal fermées. »
Dans ce roman, pseudo-réalité et invention se mêlent de plus en plus au fur et à mesure que l’on avance dans le récit, jusqu’à ce que le lecteur ne sache plus ce qui se veut de l’ordre de l’autobiographie ou du roman. Le style de Tanguy Viel est limpide mais chaque phrase est pleine de sous-entendus qui renvoient aux non-dits, aux « parenthèses mal fermées ». C’est surtout, pour moi, une mise en abyme de l’écriture romanesque. Plus que l’histoire familiale du héros avec ses secrets, ses non-dits, ses rancoeurs et ses incompréhensions, c’est l’histoire de l’écriture d’un roman qui trouve son sujet, ses personnages dans la vie du narrateur mais qui ne sait que répondre à ses proches lorsqu’ils lui demandent s’il parle d’eux dans son livre. Ainsi le narrateur-personnage nous dit souvent « dans mon livre [...] il y avait son cadavre empoussiéré et toute la famille… », « dans mon livre je ne l’ai pas appelé comme ça. » Tanguy Viel donne une sorte de leçon d’écriture romanesque et le lecteur a parfois le vertige: la grand-mère est-elle morte ou non, Kermeur a-t-il menacé la mère du narrateur d’un pistolet ou non? et même dans l’épilogue, son père l’accompagne-t-il vraiment jusque sur le quai de la gare dans un ultime sursaut de courage et de tentative de rapprochement avec son fils ou est-ce une invention romanesque…peut-être plus vraie que si cela s’était vraiment passé?
Un beau livre, un auteur plein de talent et je trouve dommage qu’on n’en parle pas davantage. Il faut lire par exemple L’Absolue perfection du crime et Insoupçonnable. Des histoires qu’on ne lâche pas facilement…
Allez! à lire en buvant un bon verre de vin rouge? pourquoi pas? accompagné d’une assiette de tranches fines de saucisson sec…
Un remarquable premier roman qui vous emmène à la fois dans les tranchées de la guerre de 14 et dans le monde des Indiens du Canada. Je préfère en dire le moins possible car l’essentiel de la beauté de ce livre tient dans l’histoire qui est racontée, histoire épouvantable et magnifique à la fois d’un homme qui revient de la plus épouvantable boucherie de l’Histoire et d’une femme, vieille indienne pleine de sagesse et de savoirs ancestraux et qui essaie de ramener à la vie ce neveu plongé dans les souvenirs horrifiques de la guerre.
Que boire en lisant ce roman terrible et émouvant? pourquoi pas une tisane au gingembre? Avec un morceau de galette à la frangipane, c’est de saison…
Voici le nouveau roman de l’auteur d’Hommes sans mère, de La Beauté des Loutres, de La dernière neige entre autres. Encore un roman dont le héros est un homme. Les femmes sont souvent absentes ou dans l’ombre dans l’univers de ce romancier. Les hommes sont très présents, même s’ils ne sont jamais vraiment décrits physiquement car les personnages cherchent à savoir qui ils sont plutôt que à quoi ils ressemblent. Ainsi Vassili, le compagnon d’ »école de mécaniciens de la flotte » dit à Fedia à propos de leur instructeur Goussegov » demande-toi qui il est », » Cherche à savoir qui est Goussegov ». Leur amitié date de cet épisode et « la promesse » dont le livre porte le titre éponyme n’est pas celle qu’on imagine au début du roman quand Fedia part seul, sans son fils, sur le lac, avec une petite boîte d’allumettes remplie d’une partie des cendres de Vassili. La quête de l’endroit propice où déposer ces cendres est celle du personnage lui-même qui cherche cette fois à savoir qui était Vassili , qui il est lui-même et quelle valeur accorder à cette promesse que Vassili lui avait faite « que toi et moi nous ne serions plus jamais loin l’un de l’autre » .
Pour moi, la réponse est dans ce passage magnifique et bouleversant des retrouvailles de Vassili et de Fedia après plusieurs mois de navigation chacun sur un bateau différent: « Et avant même qu’il [Vassili] eut fini de traverser la passerelle jusqu’à lui , Fedia sut qu’il avait l’âme et le coeur brisés. » Et aussi dans cette phrase terrible de lucidité à la fin du roman: »Et c’est ainsi qu’il se vit quitter le glorieux bateau de Vassili, brisé, mais en emportant aussi tout au fond de lui une honte pour lui-même, invisible, et si grande qu’elle ne l’avait jamais quitté d’une seconde, qu’elle avait toujours marché à côté de lui, comme un chien rusé disparaissant chaque fois qu’il mordait, et qui le mordait encore cette nuit, alors qu’il tirait sur les avirons. »
Qu’est -ce que cette honte si ce n’est celle qu’on éprouve lorqu’on a trop entièrement cru en quelqu’un et que la confiance aveugle, naïve, enfantine, n’était pas réciproque? Ce roman, c’est peut-être celui d’un être qui n’a pas su grandir. Comment pourra-t-il raconter cette douleur à son fils comme il le lui a promis avant de partir, lui qui n’a pas encore surmonté ce chagrin d’avoir perdu un ami bien avant qu’il ne meure?
Encore un beau roman, attachant, si près des sentiments humains.
Fedia boit du café, préparé dans un thermos. Je boirais bien un café aussi, pas trop fort en relisant certains passages de cette écriture si limpide, si liquide.
Un très beau roman écrit à la première personne par une narratrice qui s’est réfugiée à La Hague près de Cherbourg sous l’aile à la fois tutélaire et menaçante d’un phare auquel est liée une histoire de naufrage et de disparition. Elle a perdu l’homme qu’elle aime et elle essaie de se reconstruire tout en recenssant les oisieaux du littoral. Un homme revient sur les lieux d’un drame familial et réveille les vieilles histoires d’ amour et de mort. Au fur et à mesure qu’il va découvrir la vérité sur la disparition des siens, elle va apprendre à aimer à nouveau. Les Déferlantes sont les vagues de cette côte sauvage, ce sont aussi les sentiments éprouvés par les personnages.
A lire en buvant un whisky ou un café.
Enfin un prix Goncourt mérité! Ce monologue de femme est une merveille! Lisez-le! mais lisez aussi Terre et cendres. C’est un récit très émouvant mettant en scène un grand père, son petit fils et son fils dans un Afghanistan violenté et endeuillé par la guerre.
Du thé, bien chaud et fort, à boire en lisant ces livres.
Tout le temps de la lecture de ce petit livre étonnant, à l’écriture un peu précieuse, voire baroque, je me suis demandée à quelle histoire, à quel livre il me faisait penser. C’est à la dernière page que j’ai compris. C’est une sorte de réécriture, selon moi, de la légende de Saint Julien l’hospitalier, de la nouvelle écrite par Flaubert dans Trois contes. Jérôme, héros du roman, se donne tout entier aux hommes qu’il rencontre et trouve une forme de paix et un sens à sa vie en se couchant la nuit tout contre les mourants du sida pour les réchauffer, leur insuffler un peu de vie, les accompagner dans la mort.Il devient leur « amant » et se délivre peut-être de la soumission au sexe à laquelle son père l’avait forcé nuit après nuit avant qu’il ne s’enfuie comme sa mère elle-même avait fui son ogre de mari et son fils consentant.C’est dur à lire, mais c’est très beau, jamais vulgaire, très poétique.
Que boire en lisant ce petit livre? je ne sais pas, moi, j’aurais envie d’un bon verre de vin, tiens!